Séminaire interdisciplinaire
26 mai 2015

 
EHESP Ecole des hautes études en santé publique Campus de Rennes
Avenue du Professeur Léon Bernard
 
 
 

Eléments de contexte


Alors que le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement poursuit son parcours parlementaire après une adoption en Conseil des ministres le 3 juin 2014 et en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 17 juillet dernier, en vue d’une mise en vigueur mi-2015, la question de la dépendance anime les réflexions.
Ce texte de loi interroge la double dimension du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables à travers une démarche proactive quant aux enjeux du vieillissement de la population, notamment pour ce qui est de l’accompagnement et des soins en cas de perte d’autonomie.


Mais, alors que le vieillissement est au coeur des préoccupations, il importe de souligner que la dépendance touche également une population plus jeune, plus ou moins sévèrement, de façon chronique ou transitoire. Nous pensons notamment aux patients qui doivent suivre des dialyses, aux blessés médullaires, aux cérébro-lésés, comme les traumatisés crâniens ou les victimes d’AVC, qui se retrouvent en situation de handicap du jour au lendemain… Ainsi, quelle qu’en soit la cause, le handicap est à risque de s’accompagner d’une dépendance variable qui s’intègre à la fois dans la question des limitations d’activités des personnes mais aussi dans leur restriction de participation sociale. Ces deux niveaux constituaient les principaux objectifs de la Loi dite « sur le Handicap » de 2005 dont l’année 2015 était annoncée comme un moment-clé pour le bilan de sa mise en application. Parallèlement, l’accès aux soins des personnes handicapées constitue une question d’actualité en construction permanente, avec l’audition publique de la Haute autorité de santé en 2008, la mission ministérielle Jacob de 2013 ou la très récente conférence nationale sur la handicap à l’Elysée le 11 décembre dernier.

Quelques données de 2010 (sources gouvernementales) illustrent le poids de la vulnérabilité et de la dépendance en France :

5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans

-  Diminution de l’espérance de vie en bonne santé (sans incapacité) entre 2008 et 2010 :

  • de 62,7 ans à 61,9 ans pour les hommes
  • de 64,6 ans à 63,5 ans pour les femmes

1 AVC toutes les 4 minutes

  • Augmentation des AVC dans la population des moins de 65 ans :
    • +17,7% pour les femmes
    • +12,2% pour les hommes
  • 1 mois après un AVC, pour les personnes qui y ont survécu
    • 25% présentent un handicap « léger ou modéré »
    • 34% marchent avec assistance

50 000 blessés médullaires

  • 70% de patients touchés de tétraplégie ont moins de 35 ans
  • Des séquelles plus ou moins sévèresune interférence majeure entre insertion sociale et complications médicales secondairesdes modalités organisationnelles préventives en réseau décrites dans une circulaire ministérielle de juin 2004
    • 39% de tétraplégies
    • 61% de paraplégies

Maladies neuro-dégénératives :

  • Sclérose en plaques :
    • 90 000 atteints de SEP en France (++ 25-35 ans)
    • + 4 000 cas de démyélinisations diagnostiqués par année
    • causes multifactorielles : héréditaire, environnementale (++) et infectieuse
    • patients avec des perturbations motrices, sensitives et cognitives
    • A plus ou moins long terme, ces troubles peuvent progresser vers un handicap irréversible.
  • Alzheimer :
    • 900 000 malades en 2013 (>1,3 millions en 2020)
    • 165 000 nouveaux malades/an
    • espérance de vie estimée à 8 ans post-diagnostic
    • causes multifactorielles : augmentation de l'âge, génétique, environnementale
    • entraine une dépendance physique, intellectuelle et sociale majeure qui retentit sur la vie sociale du malade et de son entourage.
    • Principale cause de dépendance lourde des personnes âgées et d’entrée en institution (40 % des malades y vivent).

Insuffisance rénale : >73 000 patients en stade terminal (en dialyse ou greffés) en 2012 (+4%/an)

  • + de 4000 sont dialysés
  • + de 3200 bénéficient de transplantations rénales (REIN, 2013)
  • patients jeunes (maladies héréditaires) ou âgés (majoritairement)
  • fortes dépenses de santé publique : 4.109 €/an
  • 24 associations régionales d'insuffisants rénaux

Face à ces chiffres, la question de la prise en charge de la vulnérabilité/dépendance (patients avec pathologies très lourdes qui entraînent de nombreuses hospitalisations, matériels importants et professionnels spécialisés) apparaît clairement comme un enjeu de santé publique, entre prévention et traitement, sur un plan sanitaire, social et économique. Cette thématique concoure donc à une réflexion plus large, politique, sociale et sociétale. Ce peut être celle de l’éthique du care à la fois comme approche de « bienveillance active », de « sollicitude » ou de « soin d’autrui » et comme mode d’analyse des relations sociales construites autour de la dépendance et de la vulnérabilité. Comme le rappellent Marie Gaille et Sandra Laugier, en mettant en lumière le cheminement du concept, ses détournements et ses enrichissements, « les éthiques du care ont ainsi permis le déplacement […] de la vulnérabilité […] des care receivers aux care givers ». Ainsi, évoquer la prise en charge des personnes vulnérables et/ou dépendantes est indissociable d’une interrogation sur l’accompagnement à proposer à la fois aux patients et aux soignants.

 

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